Intervention sur le ROB 2012 au conseil régional

 

 

Débat sur le Rapport d’Orientations budgétaires 2012

Assemblée plénière du vendredi 21 octobre 2011

Patrick ALLEMAND

 

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Le débat que nous engageons sur les orientations budgétaires 2012 s’inscrit dans un contexte politique et économique plus dur et plus mouvementé encore que l’année dernière.

Qu’on s’en souvienne, le débat d’orientations budgétaires 2011 était déjà placé sous le signe d’une double urgence, imposée notamment par les conséquences immédiates de la réforme territoriale :

  • urgence d’inscrire dans le temps, c’est-à-dire dans la perspective d’un mandat écourté, une politique de combat et de résistance ;
  • urgence de définir des choix politiques clairs et courageux, face à la volonté délibérée de l’Etat d’affaiblir gravement nos capacités d’intervention financière propres, et en particulier nos recettes fiscales.

Qui plus est, la réforme territoriale, dans sa philosophie et sa construction mêmes, rend particulièrement illisible par nos concitoyens l’organisation et la hiérarchie des compétences à l’échelle locale.

En ajoutant de la complexité et de l’incohérence là où le législateur prétendait éclairer et harmoniser les choix politiques des élus locaux, le gouvernement a méprisé les attentes citoyennes et la démocratie de proximité.

Dénaturation profonde de l’identité démocratique de nos régions et affaiblissement de nos capacités d’action, telles sont les contraintes auxquelles nous avons à faire face de la part d’un Etat qui, à rebours de l’histoire, nie le principe constitutionnel d’organisation décentralisée.

Enfin, dans ce contexte politique déjà difficile, il nous faut de surcroît « jongler » avec une situation économique internationale qui affecte à l’échelle territoriale notre niveau d’engagement et nos marges de manœuvre.

Il n’est pas ici question d’ignorer la réalité de la situation ; elle est extrêmement préoccupante, elle est complexe, et, à divers échelons, nous engage à prendre des mesures fortes, justes et courageuses.

Cependant, si la double crise financière et bancaire nous impose sans nul doute des choix stratégiques nouveaux, il est clair là encore, que l’Etat ne joue pas ce rôle d’impulseur qu’on serait en droit d’attendre de lui.

Entre la considération réaliste mais respectueuse de nos intérêts vitaux, que nous devons exprimer à l’égard des agences de notation, et l’acceptation pure et simple d’un diktat fondé purement et simplement sur la défense d’intérêts propres et sur une vision strictement idéologique – celle de l’ultralibéralisme – le gouvernement a fait son choix, sans équivoque, et ce choix est celui de la soumission assumée au marché.

Il n’est qu’à constater les débats engagés dans le cadre du projet de loi de finances pour s’en convaincre. Elles entraînent notre pays dans la poursuite aveugle d’une politique qui a d’abord montré ses limites avant que de faillir.

Ainsi, en déclarant ce mardi 18 octobre à Nice : « il est venu largement le temps de réduire nos dépenses et de mettre en œuvre les réformes qui permettent de réduire nos budgets. », le chef de l’Etat ne réaffirme rien moins que ce qu’il met scrupuleusement en œuvre depuis 2007 !

La nouveauté vient de ce que cette politique de rigueur, devenue désormais d’austérité, est clairement et officiellement assumée, dans la panique générale qui a envahi les couloirs de l’Elysée et de Matignon à l’annonce par l’agence Moody’s de la « mise sous surveillance » de la France, prélude possible à une dégradation de notre triple A.

Or, s’il est une vérité – au moins une – délivrée par Moody’s, c’est la constatation de l’échec gouvernemental en matière de maîtrise des déficits et de la dette publique. Les remèdes proposés sont non seulement pires que les maux, mais encore s’apparentent à la logique des médecins de Molière, qui saignent et saignent encore, figés dans leurs principes immuables.

On voit bien les effets de cette politique désastreuses à l’œuvre sur nos territoires : l’Etat procède par coupes sombres dans les effectifs de la fonction publique, comprime horizontalement toutes les dépenses, prend des mesures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et de l’exigence d’une réelle égalité fiscale.

En clair, cette soi disant lutte contre les déficits, sans vision alternative, est un puissant frein à la croissance.

Incapable d’impulser une politique nationale à la fois ambitieuse et courageuse, la droite a reçu un avertissement historique, avec le basculement du Sénat à gauche, donnant magistralement écho aux inquiétudes et aux angoisses exprimées depuis si longtemps, toute tendance républicaine confondue, par nos élus locaux.

Ce Gouvernement continue cependant à avancer tête baissée, maintenant des positions, j’allais même dire des postures idéologiques dures, qui vont à l’encontre de l’intérêt général sur nos territoires :

  • gel durable des concours de l’Etat, hors FCTVA, pour une durée de trois ans qui aboutit in fine, par le jeu des mécanismes de péréquation, à une diminution des dotations de fonctionnement ;
  • plan de rigueur non maîtrisé qui, malgré les effets d’annonce, ne dupe plus personne, lorsque l’on constate l’explosion de notre dette publique ;
  • prévisions de croissance qui, de l’avis de tous, sont au pire extravagantes, au mieux excessivement optimistes, au regard de l’évolution de la crise financière, alors que les prévisionnistes internationaux nous situent entre 0,9% et 1,5% dans la meilleure des hypothèses.

Notre région et avec elles l’ensemble des collectivités territoriales et locales, comprennent d’autant moins cette position figée qu’elles concourent pour les deux tiers – cela avait déjà été souligné par le CESER en 2010, et vient d’être confirmé par la cour des Comptes –aux exigences pourtant subies, du ralentissement de la dépense publique, que l’Etat lui-même prescripteur en la matière, s’avère incapable de respecter !

C’est donc dans ce contexte très préoccupant, avec les moyens dont elle dispose, que notre région continue d’agir avec force, toujours dans une logique de combat et de résistance certes, mais avec l’ambition de préparer les enjeux cruciaux de 2012, de dessiner l’avenir de nos territoires en 2014 et, au-delà, avec l’élaboration du Schéma des schémas (SRADDT) qui préfigure l’avenir de notre territoire à l’horizon 2030.

Notre groupe salue ici le rappel des quatre grandes priorités d’actions qui donnent sens à nos orientations budgétaires pour 2012 : l’emploi, le triptyque « éducation, sport, culture », l’aménagement du territoire, le renforcement de la démocratie de proximité, avec comme fil conducteur, une préoccupation constante à l’égard de notre jeunesse.

Ces priorités mettent bien l’accent sur la nécessité d’un développement économique qui est au cœur même des missions du Conseil Régional.

Nos orientations en matière d’emploi et de formation constituent le premier effort budgétaire de notre institution.

Elles entendent exploiter tous les leviers propres à créer, sécuriser et consolider dans le domaine de la promotion de l’emploi, qu’il s’agisse de formation professionnelle et d’éducation permanente, d’insertion, de lutte contre la précarité, de renforcement des parcours professionnels, de soutien aux lieux où se mêlent expérimentations et innovations, je pense par exemple à la formidable réussite des PRIDES.

Notre Région doit également anticiper l’avenir, en préparant les conditions d’une mutation écologique de l’économie régionale, qui ne saurait ignorer l’histoire et la défense de nos intérêts industriels locaux.

A cet égard, la gestion de l’après-pétrole est un enjeu stratégique majeur sur notre territoire, pour l’avenir des filières industrielles induites, dont nous devrons accompagner la reconversion.

En matière d’éducation, de culture et de sport, notre Région met les principes de notre pacte républicain au cœur de ses actions.

Là encore, entre compétences régaliennes et politiques volontaristes, c’est bien l’enjeu d’une politique visant à l’égalité sociale qui s’impose, que ce soit pour nos lycées, pour l’amélioration de la qualité de vie scolaire de nos jeunes, pour la valorisation de notre filière sanitaire et sociale, qu’en faveur du monde du sport et du champ de la création.

Nous nous réjouissons de voir nos choix en matière d’aménagement durable du territoire régional s’amplifier durablement.

Ils contribuent à faire de notre région l’un des principaux investisseurs dans l’économie régionale.

Interlocuteur incontournable de l’Etat et des collectivités locales,la Région PACAprépare l’avenir en contribuant pour plus d’un milliard et demie d’euros à la réalisation d’infrastructures lourdes et à l’amélioration du cadre de vie de nos habitants, qu’il s’agisse du transport ferroviaire, de l’offre de services aux usagers (il n’est qu’à voir l’incontestable succès dela carte Zou !), d’une politique d’habitat social durable et de qualité, d’une nouvelle vision de la cohésion sociale avec le projet d’Ateliers Régionaux des Villes, de promotion et d’accompagnement de nos territoires ruraux et de notre agriculture.

La démocratie de proximité, enfin, ne peut être entrevue comme une fin en soi, mais principalement comme un outil « vertueux » permettant des avancées décisives dans tous les domaines stratégiques pour l’avenir : développement durable, écologie, protection de la biodiversité, aménagement urbain, cohésion sociale.

Les « Fabriques de la démocratie », que notre Président Michel Vauzelle a initiées, ont constitué, à la suite des Etats généraux des services publics, l’une des innovations les plus remarquables – et remarquées – de notre Région, pour faire vivre au plus près de nos concitoyens, par le débat contradictoire, l’échange de savoirs et de compétences, les thématiques prioritaires qui accompagneront les mutations de nos territoires.

En s’appuyant sur les acteurs de la démocratie sociale et du champ associatif, sur la société civile et le monde de l’entreprise et de l’innovation, ces fabriques ont permis d’ajuster nos ambitions, de créer de la richesse prospective, de nous projeter en avant.

Il nous faudra poursuivre ce travail fructueux, avec ambition et en y mettant les moyens nécessaires, au travers des Etats Généraux de la démocratie, pour qu’une réelle contribution citoyenne éclaire et enrichisse nos actions.

Nous voyons bien, dans les marqueurs de ce ROB, malgré l’adversité politique et économique dans laquelle nous évoluons ici, en région, que notre collectivité poursuit les efforts engagés en début de mandature, en associant à la définition d’une politique active et responsable en matière d’investissement public, le maintien d’une ambition égale dans le domaine du développement économique et du combat pour l’emploi, en nous positionnant, à notre échelle et avec nos moyens, comme ce « bouclier social » régional, dont les habitants de PACA ont tant besoin, pour atténuer l’impact de politiques nationales aussi brutales qu’injustes.

Cette exigence de justice sociale et de dynamisme économique, social et culturel, est notre réponse politique à l’écueil du désenchantement, tout comme elle constitue un message fort à l’égard d’une majorité de provençaux, qui nous ont choisi sur un programme et un projet politique, que nous mettons en application, fidèles à nos engagements et à la haute idée que nous nous faisons de l’intérêt régional.