Mon intervention lors du 1er Conseil Métropolitain

PREMIÈRE  SÉANCE DU CONSEIL DE LA METROPOLE – LUNDI 9 JANVIER 2012 AU CUM DE NICE

ALLOCUTION DE PATRICK ALLEMAND, CONSEILLER MÉTROPOLITAIN

Je n’ai pas voté pour vous mais selon les principes de la République, je respecte la désormais responsabilité que vous ont désormais confiée nos collègues.

Vous venez d’être élu Président de la première Métropole de France.

Cette métropole nous l’avons combattue. Pas le principe, car la métropolisation va dans le sens de l’histoire, elle est une des multiples réponses ou adaptations à la mondialisation.

Mais nous en avons contesté son périmètre. Le fait que tout le début de votre intervention ait été consacré à un rappel historique pour légitimer votre choix démontre votre difficulté. Il n’est à notre sens pas pertinent. Je l’ai souvent dénoncé comme l’Estropole tout simplement parce qu’elle englobe les deux vallées qui sont dans votre circonscription électorale.

Le concept de Métropole appliqué à ce territoire en est précisément l’antithèse. Vous l’avez rappelé, la racine grecque de Métropole veut dire le point dont on part. Une métropole irrigue, elle n’absorbe pas.

Et le violon sur la solidarité n’y changera rien. La solidarité territoriale c’est le rôle du Conseil Général, pas celui de la Métropole. En ayant opté pour ce périmètre irrationnel qui fait que les communes comme Le Broc ou Gattières n’en sont pas membres alors qu’elles sont dans le périmètre de l’OIN Eco-Vallée (Opération d’Intérêt national), qui fait qu’une commune comme Drap, qui d’ailleurs ne souhaitait pas être intégrée, et où on ouvrira bientôt un lycée où il y aura des lycéens niçois, à 6 minutes en train, n’y est pas. Par contre, il faut plus de temps pour aller de Nice au Col de la Bonnette, point le plus éloigné de la Métropole que pour aller de Nice à Marseille. En optant pour ce périmètre irrationnel vous avez dénaturé le concept même de Métropole.

Il faut simplement rappeler que vous avez doublé la superficie de la Métropole pour seulement 3 % d’habitants de plus pour le comprendre.

En coupant en 2 le département, vous avez affaibli considérablement l’institution même du Conseil général qui exerce désormais la totalité de ses compétences à l’Ouest de Cagnes-sur-Mer et à l’Est de Nice, mais qui en cède une partie sur le territoire métropolitain.

Ce combat est désormais derrière nous, même s’il reste une chance de voir cette réforme territoriale abrogée et le concept de Métropole repensé, après le 6 mai 2012.

Ce combat est derrière nous et en tant qu’élus responsables, nous souhaitons désormais que cette Métropole réussisse.

Votre opposition ne sera donc pas systématique, elle sera soucieuse de l’intérêt général qu’elle servira, elle sera vigilante et constructive. Nous y défendrons certains principes.

1ER PRINCIPE : LE REFUS DE LA COMPETITION ENTRE LES TERRITOIRES. CELA CONCERNERA TANT LES VALLEES QUE LE LITTORAL

Je l’ai dit à plusieurs reprises, l’après Mescla constitue une entité à part entière, une économie plus rurale, voire montagnarde, avec les mêmes problématiques que l’on soit dans les vallées du Daluis, du Cians, de la Tinée, de la Vésubie ou du Var. Vous avez scindé ce territoire en deux. Il faudra préserver les complémentarités.

Cela concerne aussi l’OIN vis-à-vis de Sophia Antipolis. Je vous entends toujours évoquer la main sur le cœur la complémentarité. Mais la réalité qui se dessine est toute autre. Le transfert de Schneider vers la zone industrielle de Carros est mal vécu par de nombreux responsables de la CASA. La surenchère que vous venez de faire à Orange qui était sur le point de s’installer à Sophia, pour que l’entreprise vienne sur l’OIN également. Si on entre dans cette logique, tout le monde y perdra, mais au-delà des rivalités locales, la région toute entière y perdra et la France aussi parce que Sophia Antipolis demeure à ce jour une des premières technopoles d’Europe. Vous avez parlé de soutien à l’export et vous avez cité Schneider et Virbac, c’est de l’attractivité de notre territoire dont il s’agit, pas de l’exportation, c’est notre relation avec AFII (Agence Française des Investissements Internationaux) qu’il faut construire.

2EME PRINCIPE : LA DEFENSE DES SERVICES PUBLICS DE PROXIMITE

Nous serons très vigilants à ce que la Métropole sous couvert de rationalisation, de restructuration, de mutualisation n’aboutisse pas à affaiblir des services publics de proximité.

L’exemple récent de l’hôpital local de Saint-Martin-Vésubie est bien là pour nous le rappeler. Que va-t-il se passer avec la fermeture de ces lits ? Il faudra descendre des malades à Nice pour de la médecine classique. Que le centre-métropole concentre l’excellence oui, qu’elle vide de leur substance les services publics de proximité non !

Mais on pourrait aussi parler de la Commission départementale de la présence postale, si prompte à quantifier le minutage des opérations postales pour conclure aux fermetures partielles ou totales. Puisque le littoral est riche, puisque vous avez voulu affirmer la solidarité du littoral vers la montagne, prenez l’engagement qu’aucun bureau de Poste ne fermera sur le territoire de la métropole !

3EME PRINCIPE : CONSTRUIRE UN PROJET METROPOLITAIN

Vous avez défini un périmètre mais vous n’avez pas de projet métropolitain. Or, si l’on veut que chaque citoyen se sente concerné, intégré dans ce territoire, il faut un grand dessein commun.

Ce projet métropolitain devra nécessairement intégrer le projet de territoire de l’OIN Eco-Vallée, mais il ne pourra être que cela.

Ce pourrait être au contraire l’occasion d’organiser ce grand débat citoyen sur l’avenir de notre territoire, débat que vous avez tronqué volontairement dans le cadre de l’OIN. Un vrai projet métropolitain, c’est faire de la métropole un territoire commun et non la juxtaposition de 46 communes, c’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons tout à l’heure sur la Charte. Et je n’y reviendrai d’ailleurs pas. Oui, l’entité communale doit être préservée. Oui, les compétences communales non transférées doivent continuer à être exercées dans les communes qui doivent se réorganiser en créant un certain nombre de syndicats intercommunaux.

Mais si le législateur a transféré certaines compétences à la Métropole pour qu’elles deviennent des compétences métropolitaines, c’est précisément pour que vous construisiez des politiques métropolitaines. Je pense notamment à la question du logement et plus précisément du logement social. Combien de temps pourrons-nous encore tolérer ce déficit qui impacte considérablement nos populations et finira par être un frein au développement économique, y compris au développement de l’OIN ? Vous vous êtes engagé, ce sont vos chiffres, à créer 5 000 emplois par an les premières années et 50 000 emplois en 25 ans sur Eco-Vallée.

Vous avez conçu la Métropole comme une mosaïque de communes avec des PLH (Plans Locaux de l’Habitat), des PLU (Plans Locaux d’Urbanisme) adoptés indépendamment les uns des autres. Vous avez annoncé des objectifs ambitieux en matière de logements sociaux. Il ne suffira désormais plus d’avoir des objectifs chiffrés, il faudra dire où et combien !

Non seulement vous avez dénaturé le concept de Métropole par le périmètre choisi, mais vous en avez également dénaturé le contenu.

C’est, à l’instant où je parle, un arrangement entre communes qui est avant tout une opération destinée à gonfler la dotation financière par habitant attribuée par l’Etat, une opération avant tout financière.

Votre opposition œuvrera dans le sens de la construction de ce dessein collectif s’il est possible.

Bien que dubitatif sur la charte inscrite à l’ordre du jour, qui n’a aucune valeur juridique face à la loi mais qui est destinée à rassurer les maires, nous observerons avec attention la manière dont elle sera appliquée, en rappelant que dans le principe, en cas de conflit, c’est vous et vous seul qui avez le pouvoir.

4EME PRINCIPE : OUI A L’ITALIE MAIS PRIORITE A LA FRANCE ET NON A UNE TENTATIVE ISOLATIONNISTE VIS-A-VIS DE LA REGION

Je ne parle pas de la Région au plan politique mais de la Région en tant qu’entité économique et sociale. Nous avons fêté en grande pompe en 2010 le 150ème anniversaire du rattachement de Nice à la France, l’intégration du comté de Nice à la France.

Si l’Italie doit être le partenaire privilégié de la Métropole, elle ne doit pas être sa priorité, ce serait la doter d’un horizon trop étroit. Nice Côte d’Azur a vocation à être une Métropole au rayonnement international. Pour cela elle ne peut accepter d’être exclue du réseau national de transport à grande vitesse plus longtemps. La L.G.V. (Ligne Grande Vitesse) Sud est la condition indispensable pour « révolutionner » les mentalités et faire rayonner notre Métropole.

Avec la ligne 2 du tramway, cela doit être votre combat prioritaire, notre combat prioritaire à tous. Promettre d’aller à Gênes en 1 h en 2018 comme vous l’avez fait, non seulement est irréaliste car ce n’est pas la priorité de R.F.F. (Réseaux Ferrés de France) mais n’aurait pas de signification économique, si la L.G.V. Sud est n’est pas construite.

Je milite depuis toujours pour l’arc latin Barcelone-Gênes, pour le rééquilibrage de l’Europe vers le sud mais le chaînon manquant Nice-Gênes ne peut en aucun cas se substituer à la priorité de la LGV Sud Est. A la pétanque, c’est ce qu’on appellerait la consolante. Notre Métropole a vocation à autre chose qu’une consolante. De ce point de vue, nous souhaitons l’initiative d’un premier tronçon partant de Nice jusqu’à l’Est varois à l’horizon 2023, mais il nous faut imposer le chaînon manquant. Concernant l’autre priorité, je suis abasourdi, vous n’avez pas prononcé une seule fois le mot tram, pas une seule fois la ligne 2. Pourtant ce doit être la priorité des priorités.

5EME PRINCIPE : CELUI DE LA TRANSPARENCE ET DE LA SIMPLIFICATION

Force est de constater que cela part mal. Le gouvernement, votre gouvernement ressemble à une armée mexicaine, cela vous rappelle quelque chose mais je ne suis pas ministre, je suis certain que l’ambassadeur du Mexique ne sera pas ce soir au quai d’Orsay.

Il y avait 30 Vice-présidents, il y en a désormais 15, et 14 Présidents de commissions, avec cette fois de véritables pouvoirs. Vous avez d’ailleurs longuement détaillé en égrenant les compétences des 14 commissions, le contenu de leurs pouvoirs. Que reste-il aux Vice-présidents ? Il est clair que le pouvoir est désormais aux commissions.

C’est une répartition très politique, qui n’a été guidée que par une préoccupation. Ne pas traumatiser vos Vice-présidents sortants et sortis, préserver leurs égos, leurs appétits. Je ne suis pas sûr que le citoyen se retrouve dans ce subtil dosage et que cela ne se fasse pas au détriment de l’efficacité opérationnelle de cet exécutif. Seul l’avenir le dira.

Voici les cinq grands principes qui guident notre action au sein de ce conseil métropolitain.

J’ai remarqué par ailleurs qu’à quatre reprise, vous avez été cité le Conseil régional en des termes moins agressifs qu’à l’accoutumée, je l’ai noté. Puisque nous en sommes encore au moment des vœux et des résolutions, je vais vous indiquer la mienne pour 2012. Désormais je ne répondrai plus à la moindre interpellation de la Région en séance publique du Conseil municipal ou du Conseil métropolitain. Ce n’est pas le lieu. Il y a une assemblée régionale pour cela et le fait que vous soyez constamment obligé de vous exprimer pourrait être interprété comme le constat que ceux qui vous représentent à l’Hôtel de Région ne vous satisfont pas dans l’exercice de leur mandat d’opposants. Il est vrai que culturellement, ils ne sont pas habitués à être dans l’opposition, ça les forme !

Le Conseil régional est une collectivité ouverte au dialogue. Vous savez où se trouve mon bureau, vous savez où se trouve celui du Président. La porte ne vous a jamais été fermée. Après nous avons nos priorités qui ne sont pas forcément les vôtres. C’est la loi de la démocratie.

Finalement, et ce sera ma conclusion, vous voilà président d’une Métropole dont vous avez dessiné les contours, et qui est quelque part un détournement de la loi sur le cumul des mandats. Vous étiez en 2008 Maire de Nice, Président d’une communauté d’agglomération et Président du Conseil général. La loi vous a contraint à abandonner le Conseil général. Vous avez profité de la réforme territoriale pour vous refaire un petit département comme vous l’avez dit, non par les armes comme au temps des Comtes de Provence mais par la paix.

Je souhaite simplement que les intérêts des populations y soient préservés, que chacun s’y sente respecté, et nous nous efforcerons d’y veiller.