Nouveau projet de la gare du Sud : mon analyse

 

Christian Estrosi vient de présenter le nouveau projet de réaménagement de la gare du Sud. Ce nouveau projet recueille l’unanimité des riverains, ce n’est pas étonnant. C’est un impactminimal, sans logements, sans cinémas, et avec moins de services publics. Tout est axé sur l’esthétisme, la réhabilitation de la vieille halle et la créationd’espaces verts d’un volume sensiblement égal au jardin de la Villa Thiole. Aucun riverain n’irait contre. Mais la juxtaposition de satisfactions locales ne donne pas forcément une politique urbaine globale et cohérente.

Ce dossier présenté comme une solution pour en finir avec les contentieux juridiques intervient curieusement au moment où Jean Claude Mari, porteur du recours vient de se désister. Il n’y a donc plus de procédure. Il semble donc que l’on ait affaire à un coup politique du maire qui suscite plusieurs interrogations.

Que deviennent les cinémas ?

Le maire dit notamment « regretter » la suppression du complexe de cinémas. Les commerçants et habitants du secteur de la Gare du Sud ne veulent pas de regrets, ils veulent savoir quelle stratégie alternative pour la dynamisation du quartier propose leur maire. Il n’y en a pas.

Voici pourtant ce qu’il déclarait le 25 juin 2010 : « Je veux faire de l’axe Malaussena-Jean Médecin un grand axe culturel dans le domaine cinématographique en faisant un multiplex à la gare du Sud qui renforcera l’activité cinéma sur Jean Médecin ou Victor Hugo … »

Que deviennent les logements ?

Alors que la crise du logement fait rage à Nice, seule ville de France où le prix du m2 neuf continue de croitre, Christian Estrosi est resté étrangement silencieux sur la disparition de 11.000 m2 de logements, soit 220 logements , dont 144 logements sociaux étudiants. Il n’a présenté aucune stratégie de compensation. Où et quand seront réalisés les 220 logements supprimés, qui sont pourtant absolument nécessaires pour résoudre la crise de l’offre de logement à Nice ? la procédure de VEFA concernant les logements sociaux, présentée comme la panacée, vient de partir aux oubliettes. Le Groupe ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et Consignations , qui détient le permis de construire est écarté.

Quelle vision a le maire des espaces verts sur le Nord de Nice ?

On ne peut que redouter un transfert sur l’autre site de Nice Nord en voie de reconversion : le stade du Ray. Pendant la dernière campagne municipale, j’avais proposé, avec la liste « Un Autre Avenir pour Nice » de reconvertir le site du Ray en un vaste poumon vert (La Plaine Familiale du Ray) d’environ 5 ha (soit environ la surface de la coulée verte) parce qu’il n’y a pas d’autres opportunités de cet ampleur à Nice. Transférer les logements supprimés de la gare du Sud vers le Ray priverait définitivement la Ville de Nice et les Niçois de la dernière opportunité pour créer, en complément de la coulée verte, un deuxième espace vert urbain accessible à tous. Sa vision, cela peut être simplement trois squares , celui de la villa Thiole, celui attenant à la future halle de la gare du Sud et un dernier square sur le site du Ray, au milieu de projets immobiliers. Ce serait une erreur d’aménagement historique.

Comment régler la question du parking ?

Curieusement tout le monde note qu’il y aura moins de places de parking et s’inquiète. Le projet initial comprenant 709 parkings dont

  • 102 pour les maraîchers et commerçants
  • 289  pour les logements construits (et supprimés)
  • 311 places publiques

Si l’on raisonne avec la suppression des logements, il faut comparer la nouvelle offre  en déduisant les parkings pour logements crées . Il y avait donc 102 plus 311 places publiques, soit  413 parkings publics

Le nouveau projet prévoit la réalisation dès 2017 la réalisation de 450 parkings publics. Il n’y a  rien donc à dire sur le quantitatif. On peut toutefois s’inquiéter sur le montant des travaux évalué à 18 millions pour 450 places. Or 450 places, c’est une capacité supérieure au futur parking de la Douane au Port de Nice, qui devrait coûter 21 millions d’euros.

Quel coût financier et comment le financer ?

En évoquant le coût de cette opération à 26 millions d’euros, il est évident que  Christian Estrosi minore un coût global que les experts que j’ai consulté situent plutôt entre 30 et 35 millions d’euros. Même en s’en tenant aux 26 millions annoncés, le maire de Nice vient de passer d’un projet à 1 euro à un projet à 26 millions d’euros, ce n’est pas rien. D’ailleurs, en conseil municipal du 18 septembre 2009, Christian Estrosi reconnaissait implicitement ne pas avoir l’argent pour financer un tel projet. Evoquant l’équilibre financier du projet en répondant à monsieur Chauvet, il disait : »vous ne savez pas pourquoi nous faisons du mélange du public et du privé ? C’est très simple, ce sont les procédures qui montrent  aujourd’hui dans toutes les collectivités leur capacité à réaliser le plus rapidement. En même temps nous faisons des économies ».

Nous avions pour notre part, malgré notre approbation de la philosophie du projet, voté contre parce que nous trouvions inacceptable que la ville se dessaisisse du foncier et de la maîtrise d’ouvrage en adoptant la procédure dite du VEFA. Le montage financier ne nous convenait pas. En l’occurrence nous avions vu juste ! Il a fallu 5 ans au maire pour en tirer toutes les conséquences. 5 ans de perdu, et une situation financière nettement dégradée qui me fait exprimer des doutes sur notre capacité actuelle à mener cette opération alors que ce n’était pas le cas à l’époque.

Au détriment de quel autre projet prévu ?

En tout cas il est clair que dans l’état actuel de nos finances, on ne pourra pas tout faire. Il va donc y avoir des victimes de ce changement de cap imprévu. Du retard dans la halle des Sports ? dans le chantier du Sang neuf aux Abattoirs ?, dans les projets de réhabilitations de nos écoles ?. Nous verrons cela au moment du débat sur les orientations budgétaires.

Elargir la concertation et mener simultanément celle du Ray et de la gare du Sud pour ne pas tromper les niçois ?

Plus largement, la reconversion quasi simultanée de 2 sites d’ampleur et à haute portée symbolique, comme la Gare du Sud et le stade du Ray ne pas être considérée comme l’addition de 2 opérations distinctes, indépendantes l’une de l’autre, mais comme 2 éléments constitutifs d’un véritable réaménagement de Nice Nord. Ce réaménagement doit être envisagée dans un vision d’ensemble en termes d’espaces verts, d’équipements publics et de logements pour assurer la cohérence des réalisations avec les plans d’urbanismes, les plans de déplacement et le plan local d’habitat mis en place par la Ville de Nice et par la Métropole.

Nice Nord doit bénéficier d’espaces verts conséquents et d’équipements publics de qualité, tout en contribuant à l’effort de production de logement demandé à tous les quartiers de la Ville.

C’est la raison pour laquelle, je demanderais au Maire d’ouvrir une phase de concertation et de consultation non pas sur le nouveau projet de la gare du Sud mais sur un plan d’ensemble englobant la Gare du Sud et le site du Ray afin de savoir clairement où il veut faire porter l’effort nécessaire  pour la  production de logements neufs et de logements sociaux.