Trop de laïcité peut tuer la laïcité !

 

Pour en avoir souvent discuté avec le président de l’observatoire de la laïcité, Jean Louis Bianco, j’ai acquis une conviction, il faut défendre la laïcité et pas se servir de la laïcité à des fins politciennes. Le débat politique est complexe et une vision trop stricte des choses ne pourrait que conforter ceux qui l’interprêtent comme une contrainte, alors qu’elle est la garantie de la liberté de culte pour tous. Elle ne peut non plus devenir le pretexte à l’expression publique de ceux qui veulent exister médiatiquement.

En ce sens la polémique qui est en train de voir le jour sur le voeu de Nice illustre parfaitement mes dires et m’apparait comme surréaliste.

De quoi parle t’on? D’une grave épidémie de choléra qui menace à la fin de l’hiver 1832 de passer le Var et de se propager au comté de Nice. La ville de Nice qui comptait à l’époque environ 30 000 habitants, est alors dirigée par des consuls sardes qui mettent en œuvre dans un premier temps, des mesures sanitaires et qui, le 11 avril 1832, devant l’avancée de l’épidémie, décident de placer Nice sous la protection de la Madone des Grâces, par l’adoption d’un vœu solennel de la ville. Nous sommes le 25 avril 1832. Si la ville était épargnée par l’épidémie, le conseil s’engageait à construire une nouvelle église, consacrée à la Madone des Grâces, et à organiser une célébration chaque année consistant en une procession et une cérémonie religieuses.

L’épidémie épargne la ville et la construction de l’église débuta en 1835 et s’acheva dix-sept ans plus tard. Le 15 août 1852, l’église Notre-Dame-des-Grâces devient l’église Saint Jean-Baptiste dite du Vœu.

Depuis cette date, chaque année au début de l’été, le vœu est renouvelé par celui qui dirige la ville (le syndic de 1853 à 1860 et le maire à partir de 1860). Une procession solennelle, conduite par le maire. S’ensuit une messe pontificale en l’église du Vœu, célébrée par l’évêque de Nice. Cette messe comprend le renouvellement du vœu par le maire qui prononce les paroles suivantes en niçois et en français. Et basta !

Cela fait 183 ans que c’est comme ça. Entre temps la loi de 1905 a été promulguée, elle a même passé le siècle et jamais, cette fête niçoise n’a fait l’objet de la moindre polémique. Cet épisode fait partie de l’histoire de Nice.

Pourquoi cette déferlante cette année? Va savoir. Mais je tiens à dire que je ne cautionne pas.

Un maire doit s’assurer que la laïcité est respectée dans sa commune, c’est à dire que chacun de ses administrés puisse pratiquer son culte en toute liberté. il y aurait sans doute beaucoup à dire d’ailleurs à Nice à ce propos, notamment vis à vis de la communauté musulmane.

La règle qui s’applique pour les administrés s’applique aussi pour les élus. Bien que personnalité publique, tout élu a le droit de pratiquer son culte. Bien qu’ardent défendeur de la laïcité et très attaché à ce principe, je suis allé plusieurs fois à la messe du Voeu, comme il m’arrive d’aller à la messe pour Catherine Ségurane. Et j’assume !

Après qu’il y ait toujours chez Christian Estrosi la volonté d’instrumentaliser des fêtes religieuses à son profit, personne n’en doute. Ce que l’on peut lui reprocher c’est de dire chez les musulmans, je suis musulman, chez les juifs, je suis juif, et chez les catholiques, je suis catholique. Voilà le fond du problème, il n’est pas juif, il n’est pas musulman mais après tout cela le regarde et de moins en moins de gens sont dupes en dehors du carré des estrolatres.

Il ya des combats bien plus importants que celui du voeu pour défendre la laicité à Nice.

J’aurai bien voulu avoir du soutien lorsque j’ai déclaré publiquement il ya deux ans que je n’irai plus à la messe de l’Assomption au port de Nice parce que je trouve totalement déplacé que désormais, le maire, Christian Estrosi, prenne la parole après le preche du prêtre. Ce n’est ni le lieu, ni le moment. Mais personne n’a rien dit !

Peu de renfort non plus quand le groupe d’opposition que je préside s’est opposé à l’acquisition par la mairie d’un buste en bronze de Jean Paul 2, érigé dans un espace public.

Peu de renfort aussi lorsque notre groupe a été le seul à s’opposer au versement d’une subvention d’1,5 million d’euros au père Gil Florini pour transformer les sous sols de l’église Saint Pierre d’Arènes en un complexe culturel et un restaurant. 1,5 million d’euros de fonds publics.

Le Voeu est une mauvaise cible parce qu’il y a dans le Voeu, outre une dimension religieuse, une dimension culturelle, memorielle, identitaire, historique.

Alors tous ensemble, sachons défendre la laïcité sur de vrais combats.

Allez… c’est le voeu que je formule!