Lettre ouverte à Serge Klarsfeld

 

En tant que républicain, je partage avec vous les valeurs fondamentales de Liberté, Egalité, Fraternité, qui sont le socle de notre « vivre ensemble ». Je salue le travail que vous avez accompli, la pugnacité dont vous avez fait preuve tout au long de ces années.

La traque inlassable que vous avez menée a fini par permettre à l’Etat français de reconnaître sa responsabilité et ses fautes sous le régime de Vichy. Or, la France n’est jamais aussi grande que lorsqu’elle reconnait ses fautes. Vous êtes à l’origine du procès de Klaus Barbie et des poursuites contre René Bousquet, Maurice Papon et Paul Touvier. Cette action inlassable vous l’avez menée au nom de la justice. Elle a fait de vous une conscience morale et républicaine.

Autant je ne peux être qu’admiratif devant ce parcours et cette histoire, autant je ne peux être que dépité dans les arguments actuels que vous utilisez dans le cadre de la campagne des régionales en Provence Alpes Côte d’Azur. Vous déclarez à la presse que « si un socialiste était en position de barrer la route au FN, je ferai campagne pour lui ». Puis, vous préjugez du scrutin et déclarez que ce candidat, autrement dit Christophe Castaner, n’étant pas le mieux placé, vous appelez à voter pour Christian Estrosi dès le premier tour et sans condition.

Personne, Monsieur Klarsfled, ne peut présager des résultats d’une élection. Car malgré les sondages, malgré tout ce que peuvent dire les médias, seuls les citoyens, en définitive, font l’élection. C’est le ressort de la souveraineté populaire, c’est la force même de notre démocratie

Nous présenter Christian Estrosi comme le seul rempart au Front National, c’est à la fois un leurre et un mensonge : un leurre car Christian Estrosi n’a plus de « républicain » que le nom, un mensonge car à force de surenchères pour séduire les électeurs du Front National, Christian Estrosi tient le discours du Front National et banalise ses thèses.

Le député-maire de Nice porte en effet une très lourde responsabilité, dans notre région, sur la banalisation des idées du FN par ses déclarations multiples comme « la Carte Nationale d’Identité ne suffit pas à faire un français », ses positions sur les Roms, cette évocation récurrente de l’existence d’une cinquième colonne, la suspicion généralisée qu’il entretient sur l’infiltration potentielle des terroristes dans les bateaux de fortune des réfugiés qui traversent la Méditerranée… Sa tentative pitoyable, encore hier, de défendre Nadine Morano sanctionnée par son propre parti pour ses propos sur la « race blanche » est le dernier exemple de cette dérive.

En tant qu’humaniste, j’estime que tout être humain doit être traité avec une égale dignité, sans discrimination et « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Et je ne peux acquiescer en silence en lisant que, tout comme Christian Estrosi, vous donnez la priorité aux réfugiés chrétiens au détriment de réfugiés d’autres religions. On ne peut opérer un tri entre les êtres humains à partir  de leur confession religieuse. Notre Premier Ministre, Manuel Valls a rappelé le caractère universel du droit d’asile.

Sous-couvert de prétendre intervenir dans ce débat politique, comment vous, Serge Klarsfeld, qui êtes une conscience républicaine, une conscience humaniste de la France, pouvez-vous cautionner un candidat comme Christian Estrosi ? Comment pouvez-vous, par le crédit apporté à votre nom, tenter d’influencer le vote de nos concitoyens en passant sous silence les faits et déclarations de votre candidat ?

Ma déception et celle de nombreux citoyens qui voient en vous un modèle est à la hauteur de l’admiration que nous vous portons.

Patrick Allemand

1er Vice-président de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur